JHM 2017 12 07 – Biotech ou la thĂ©orie du mouvement

L’univers du mĂ©dical est impitoyable. Ă€ l’aune de cette rĂ©cente industrie, dix ans sont une Ă©ternitĂ©. L’unitĂ© de temps est l’annĂ©e. Les observateurs remarquent qu’en 24 mois, tout change : achats, ventes, restructurations, reventes… le pouls du secteur mĂ©dical en Haute-Marne bat au rythme d’un monde en effervescence. Faut-il s’en plaindre, s’en affliger ? Des centres de dĂ©cisions outre-Rhin (Aesculap) voire outre-Atlantique (Greatbatch) n’ont pas contrariĂ© la croissance des entreprises haut-marnaises. Dans le mĂ©dical, aucune de celles qui sont nĂ©es ici puis ont Ă©tĂ© rachetĂ©es par des Ă©trangers n’a diminuĂ© ses effectifs, bien au contraire.

Ă€ Nogent, oĂą tout est nĂ©, Biotech illustre bien ce mouvement incessant qui caractĂ©rise le secteur. Sur un site qui fut au siècle prĂ©cĂ©dent une pĂ©pinière d’entreprises s’implante EOS MĂ©dica en 2002. Huit ans plus tard, l’entreprise est cĂ©dĂ©e Ă  Biotech (Salon-de-Provence) spĂ©cialisĂ©e dans l’implant dentaire et orthopĂ©dique. Biotech concevait puis achetait Ă  l’extĂ©rieur, sans fabriquer. Un virage important est pris en 2011. Biotech change la donne, investi un million d’euros en travaux, transforme totalement son bâtiment et acquiert des machines. La production de vis dĂ©marre. Deux ans plus tard, Biotech vend sa division Biotech Ortho Ă  l’amĂ©ricain Wright Medical (Memphis). La nouvelle direction prend une dĂ©cision stratĂ©gique : vendre la hanche et le genou, marchĂ©s proches de la maturitĂ©, pour miser sur les mains et les pieds, promis Ă  une croissance plus dynamique. En fait, en achetant une partie de Biotech, les AmĂ©ricains acquièrent une implantation en Europe, des commerciaux, des chirurgiens concepteurs, soit un rĂ©seau et des compĂ©tences bien davantage que des lignes de production.

En fĂ©vrier 2014, l’entreprise nogentaise compte 14 salariĂ©s. Biotech-Wright confie son destin Ă  David Biguet, un ex-Depuy, probablement un des meilleurs connaisseurs du Bassin Nogent-Chaumont-Langres.

David Biguet est un pragmatique efficace. En Ă  peine plus d’un an, il rapatrie Ă  Nogent la sous-traitance puis les fonctions achat et qualitĂ©. Il embauche en production. Vingt personnes travaillent dĂ©sormais sur le site. Aujourd’hui, les vis en titane qui seront implantĂ©es dans les phalanges, les chevilles, constituent le cĹ“ur de mĂ©tier de l’entreprise. Mais un cĹ“ur de mĂ©tier bien entourĂ© : car l’idĂ©e fondamentale, gĂ©niale, consiste Ă  ne pas livrer ces fameuses vis telles quelles, mais au sein d’un kit qui intègre la totalitĂ© de l’instrumentation nĂ©cessaire au chirurgien pour une opĂ©ration bien prĂ©cise. Les vis de diffĂ©rentes tailles avec leurs plaques, soit quelques grammes et quelques millimètres, y figurent bien, soigneusement rangĂ©es. Mais tout le reste aussi, que l’hĂ´pital renvoie au fournisseur après usage. N’est facturĂ© que ce qui a Ă©tĂ© implantĂ© (vis) ou dĂ©tĂ©riorĂ© (instruments). Vu de loin, Biotech vend donc des vis. En fait, c’est bien davantage de l’intelligence et du service. 700 kits sortent (complets) de Nogent, partent Ă  Marseille pour y ĂŞtre conditionnĂ©s en salle blanche, font Ă©tape Ă  Salon de Provence, vivent un moment fort en salle d’opĂ©ration (essentiellement en France, mais aussi Ă  l’étranger, notamment au… BrĂ©sil) puis reviennent Ă  Nogent.

Une troisième activitĂ© connaĂ®t une remarquable croissance : la rĂ©paration d’instruments de chirurgie. Instruments de tous types, du monde entier ; du meilleur (made in Haute-Marne) au moins bon (made in Pakistan). Cinq techniciens sont dĂ©diĂ©s Ă  ce secteur en plein boom.

Le mouvement ne s’arrĂŞte pas. Les tractations sont fort avancĂ©es pour un prochain mariage entre Wright (donc Biotech) et Tornier (Grenoble). De la fusion des deux “petits” naĂ®tra un groupe de 2000 personnes, gĂ©nĂ©rant un chiffre d’affaires de 600 millions de dollars et surtout une valorisation boursière de 3,5 milliards de dollars. De quoi se prĂ©venir des prĂ©dateurs…

Quant au site de Nogent, l’avenir passe par l’amĂ©nagement d’une salle blanche. L’investissement de 700 000 euros est prĂ©vu.

NOGENTECH